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ECRITURE CREATIVE - MEDITATION PLEINE CONSCIENCE

"Oreiller d'herbes ou le voyage poétique "

Natsume Sōseki ( 1867/ 1916 ) est un auteur japonais de romans et de nouvelles, représentatif de la transition du Japon vers la modernité, pendant l'ère Meiji. L'ère Meiji (est une ère de l'histoire du Japon comprise entre 1868 et 1912.

 

 

"Oreiller d'herbes" est singulier par son écriture, impressionniste, poétique, et par son projet même. Un peintre se retire dans une auberge de montagne pour peindre et réfléchir sur son art, sur l'acte de création. L'atmosphère subtile et poétique d'"Oreiller d'herbes" est admirablement rendue par les traducteurs.

 

 

A propos d’Oreiller d’herbes (Kusamakura, 1906, traduit du japonais par René de Ceccaty et Ryôji Nakamura), Natsumé Sôseki a écrit : 

« Si ce roman-haïku (l’expression est certes bizarre) s’avère possible, il ouvrira de nouveaux horizons dans la littérature. Il ne me semble pas que ce type de roman ait déjà existé en Occident. En tout cas, il n’y en a jamais eu de tels au Japon. »

 

 

EXTRAIT :

 

« Quand j’étais petit, il y avait, en face de chez moi, un magasin de saké appelé Yorozuya où se trouvait une jeune fille nommée Okura.

Cette Okura, durant les paisibles après-midi de printemps, pratiquait toujours des exercices de chant.

Chaque fois qu’elle s’y mettait, je sortais dans le jardin.

Au-delà d’un plant de thé de trente mètres carrés, trois pins se dressaient, à l’est de la salle de séjour.

C’étaient des pins très hauts, dont le tronc avait une trentaine de centimètres de circonférence : détail curieux, c’était tous les trois ensemble qu’ils produisaient un effet intéressant.

Malgré mon cœur d’enfant, il me suffisait de contempler ces pins pour ressentir un bien-être.

A leur pied, une lanterne noircie de rouille était toujours obstinément posée sur une pierre rouge inconnue, comme un vieillard têtu.

J’aimais beaucoup observer cette lanterne.

Tout autour, des herbes anonymes du printemps jaillissaient d’une terre profondément imprégnée de mousse, semblant ignorer le vent qui souffle sur le monde d’ici-bas, elles s’amusent en exhalant leur parfum.

A l’époque, j’avais coutume de trouver une place dans ces herbes, juste pour y glisser mes genoux, et m’y tenir immobile.

Mon emploi du temps, à l’époque, me permettait de contempler la lanterne au pied de ces trois pins et de respirer le parfum de ces herbes, en écoutant le chant de mademoiselle Okura au loin. 

Natsumé Sôseki, Oreiller d’herbes

 

 

Le titre est la traduction littérale d’un nom qui signifie le fait de ne pas dormir chez soi.

 Oreiller d’herbes est le récit d’un peintre et poète qui se rend à la montagne à la recherche d’un endroit paisible pour créer :

 " Dès que vous avez compris qu’il est partout difficile de vivre, alors naît la poésie et advient la peinture. "

 Il dit l’importance de l’art :

 « Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le cœur des hommes. »

A plus de trente ans, tandis qu’il gravit un sentier de montagne, il est conscient de la proximité inévitable entre la lumière et l’ombre, la joie et la mélancolie, le plaisir et la souffrance.

Il porte une boîte de peinture en bandoulière.

Le chemin est difficile, il trébuche sur une pierre en longeant le lit d’une rivière.

Puis viennent des lacets sur lesquels il avance en écoutant le chant des alouettes, en découvrant un champ de colza « doré ».

 

 

 

« Le printemps nous endort. Les chats oublient d’attraper les souris et les hommes oublient leurs dettes. On oublie alors le lieu de son âme et notre raison s’égare. Ce n’est qu’à la vue des fleurs de colza qu’on s’éveille.

Quand on entend le chant de l’alouette, on reconnaît l’existence de son âme. 

 Le voilà de plain-pied dans le monde poétique de Wang Wei et de Tao Yuanming (deux grands poètes chinois), où " se promener et errer, ne fût-ce qu’un instant, dans l’univers impassible. C’est une ivresse. "

Le soir, les montagnes franchies, il arrivera à la station thermale de Nakoi.

L’impassibilité, voilà le but de son voyage, loin des passions terrestres.

Aussi, tous ceux qu’il rencontrera, il projette de les considérer comme des « figurants dans le paysage de la nature », de les observer à distance, comme des personnages dans un tableau.

 

 

Une averse l’oblige à se réfugier dans une maison de thé signalée par un postillon.

Une vieille femme lui apporte du thé, son visage lui rappelle celui d’une vieille vue sur une scène de théâtre nô ; au fond du bol, « trois fleurs de pruniers sommairement dessinées d’un seul coup de pinceau ».

 

 

Un bon feu lui permet de se sécher.

Quand le ciel se dégage, elle lui montre le rocher du Tengu qu’il contemple (il y a souvent de quoi repenser au livre de Le Clézio sur la poésie des Tang).

Le peintre d’Oreiller d’herbes se réfère souvent à des écrivains anglais et à un tableau en particulier, la fameuse Ophélie peinte par Millais.

Un bref arrêt de Gembei, le postillon, conduit la conversation sur « la demoiselle de Nakoi », la fille de Shioda, l’aubergiste, qu’on dit malheureuse comme « la Belle de Nagara » autrefois – une fille de riche famille dont deux garçons étaient amoureux en même temps et qui a fini par se noyer dans la rivière.

A l’auberge de Nakoi, le bruissement des bambous l’empêche de dormir. Il a tout loisir de détailler le décor de sa chambre et de rêver de la Belle de Nagara, quand il entend une voix qui fredonne puis s’arrête : en regardant dehors, il lui semble voir une silhouette au clair de lune, adossée à un pommier pourpre en fleurs, puis disparaître – la fille des Shioda ?

Dans son carnet d’esquisses, il cherche à « résumer en dix-sept syllabes » ses impressions nocturnes, avant de sombrer dans le sommeil.

Quand celui-ci se transforme en « demi-sommeil », il entend la porte coulisser, voit une femme entrer :

 « Comme un ange qui marche sur les flots, elle avance sur les nattes sans le moindre bruit. » 

Un bras ouvre et referme le placard, la porte se referme. Quand il la rencontrera le matin, sa beauté et l’expression de son visage le laisseront perplexe, et plus encore son ironie quand elle l’invite à aller voir : 

« On a fait le ménage dans votre chambre. » 

Sous ses propres vers, quelqu’un en a écrit d’autres !

 

 

Il faut lire ce texte d’une originalité et d’une poésie absolues, que Sôseki appelait son roman-haïku.
Au printemps, un jeune artiste décide de se retirer dans la montagne, loin des passions et de l’agitation de la cité, rencontre une jeune femme malicieuse et fantasque, rêve de peindre le tableau qui exprimerait enfin son idéal et ne réussit qu’à aligner poème sur poème !


Dans ce manifeste poétique et esthétique, profond, piquant, passionné,

et indigné, Sôseki approfondit sa méditation sur la création et la place de l’artiste dans la société moderne.

« Je ne crois pas qu’un tel roman ait déjà existé en Occident. Il ouvrira de nouveaux horizons à la littérature », prédisait Sôseki en l’écrivant.

Les délicates peintures qui l’accompagnent sont issues d’une édition de 1926 en trois rouleaux, où figurait aussi le texte entièrement calligraphié.

 

PROPOSITION D'ECRITURE 

( faite à l'atelier ARCHITEXTE  le mardi 2 avril 2024)

 

A partir du titre de cet ouvrage et sans tenir compte de son contenu, laissez aller votre imagination.......

.........et déposez vos textes dans la rubrique " commenter " en bas de page......

 

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J
Texte poetique que j aime bien
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R
Oreillers d'herbes<br /> Reposoirs doux et odorants<br /> Enivrés de chaudes couleurs.<br /> Intranquilles dans le zéphir,<br /> Les herbes ondoient au gré du souffle<br /> Là est le calme de l'existence, <br /> Essence même du bien être,<br /> Recherché à chaque voyage,<br /> Si souvent recommencé.<br /> Difficile de trouver l'arrêt paisible<br /> Hélas ! Il n'existe pas,<br /> Et pourtant, il est difficile de vivre.<br /> Relisez le paysage comme un tableau,<br /> Beau comme un poème, il vous répondra,<br /> Ephémère est la vie,<br /> Solide est la beauté de l'oeuvre d'art.
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C
Dans « Petites boîtes* » de Yoko OGAWA, Mr Baryton ne s’exprime plus que par une voix chantée.<br /> Oreiller d’herbes ou le voyage poétique pourrait représenter ces concerts patiemment travaillés et offerts aux nombreux auditeurs se rendant à date régulière dans la montagne, salle de spectacle dédiée, pour écouter à la nuit tombée et jusqu’au lever du jour des concerts que seuls entendent les musiciens de chaque instrument minuscule, ces « concerts de soi à soi ».<br /> <br /> Ecouter <br /> Apprendre à écouter. Prendre le temps d’entendre.<br /> Entendre le vent, entendre une feuille qui vibre, entendre le crissement d’un insecte noctambule<br /> Entendre chacun ses propres sons et ceux des autres, entendre l’indicible aussi. <br /> S’écouter au-delà <br /> Partager.<br /> <br /> Oreiller d’herbes ou le voyage poétique<br /> Ce serait une ode. Ce serait un de ces petits textes<br /> Si concis qu’il passerait inaperçu s’il ne vous traversait le cœur<br /> A jamais. Pour toujours.<br /> <br /> Je découvrirai tout au long de ces pages <br /> des références à des images familières<br /> … d’un monde qui m’est totalement inconnu,<br /> Un réel irrationnel, impossible<br /> Et pourtant vécu par ces personnages,<br /> De quoi se préparer à vivre ce temps <br /> Avec le moins d’à priori possibles<br /> <br /> Les sens en éveil, en alerte, <br /> Pour des découvertes, des rencontres<br /> Sans crainte, sans défense<br /> et sans agressivité vécue.<br /> <br /> Entrer dans le monde de l’autre sans effraction<br /> Et y voir sa place déjà aménagée.<br /> Théorie démontrée depuis peu en physique.<br /> <br /> Des moments préparés, vécus et repensés ensuite,<br /> en une réalité augmentée.<br /> <br /> Christine<br /> 30 mars 2024<br /> Dernier jour à l’heure d’hiver en clin d’œil à la venue prochaine du 1er avril
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J
Cueille quelques bourraches,campanules, myosotis Assemble les et pose ta tête sur ce coussin.Tu rêveras bleu <br /> <br /> Envie de suivre <br /> la diagonale des nuages?<br /> voie feerique <br /> <br /> Vois cet éléphant avalé par un paquebot lui-même bientôt enfoui sous l'aile d'un oiseau immense.Suis cet oiseau, témoin du temps qui s'écoule.<br /> <br /> quel est ton chemin?<br /> celui du soleil et du vent?<br /> hume cet air frais <br /> <br /> suis l'oiseau nuage<br /> il est si gros qu'il résiste <br /> à l'effilochage<br /> <br /> attends les heures <br /> le temps c'est l'oiseau qui vole<br /> ce n'est pas l'ennui<br /> <br /> Arrête l'oiseau, saisit une parcelle de ce temps, une seconde d'éternité.Retiens là <br /> Vois, elle sourit là, au-dessus très haut de toi <br /> Trop tard! Tu la perds!<br /> Elle est passée, ne reviendra plus.<br /> <br /> temps n'est pas simple<br /> n'est pas composé non plus <br /> il est imparfait <br /> <br /> L'oiseau des nues a disparu vers un bleu très profond,vers un monde méconnu certainement proche, non pas des yeux mais de nos pensées.<br /> <br /> ne plus espérer <br /> se souvenir d'oublier<br /> les heures égrènees
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M
Oreiller d' herbes<br /> <br /> J'avançais le pas timide et les mousses dorées m'invitaient à entrer dans cette étrange clairière .<br /> Les statues immuables s'endormaient , fatiguées et nonchalantes se courbant vers la terre nue <br /> comme les arches d'un pont trop fragile qui ne voudrait pas même qu'une fée s'y appuie sans risquer de s'effondrer .<br /> Il faut dire que quand le jour se tait , elles dansent . Des valses et des rondes . <br /> Quand la lune est pleine , des polkas endiablées les propulsent jusqu'au ciel , légères comme des filigranes et ne laissent à leurs pieds que les particules de poussière rajoutant aux étoiles , dans un <br /> désordre volatile , d'autres étoiles .<br /> Mais le ciel n'en veut pas .<br /> Elles retombent alors dans un bruissement de hanches , les bras ouverts brassent l'air et les moulins à vent se taisent . S' apaisent aussi les tempêtes qui portent aux cieux les rondes frénétiques et minérales . Les pieds terreux s'ancrent à nouveau sur le crâne du monde dans la chevelure de bruyères sauvages et de folle avoine pour ne plus être que socles lourds et massifs .<br /> La valse des titans cesse dans un souffle d'air chaud que l'aube libère sans parcimonie et les <br /> oiseaux , matinaux se moqueront encore jusqu'au milieu du jour de ces prétentieuses immobiles .<br /> Les oiseaux ne savent pas . La nuit ils dorment .<br /> Quand la terre cesse de trembler , alors c' est le curieux statuaire qui sombre dans le silence .<br /> Et la terre se referme pour les retenir jusqu'au coucher du soleil .<br /> Il semble qu'elle n'aie jamais été meurtrie et les lierres affamés assaillent les géantes comme s'il leur fallait masquer un grand secret , étouffer les musiques célestes sous un oreiller d'herbes . Sous les robes de chlorophylle la pierre est encore chaude , frémissante des fièvres de l' enchantement . <br /> La magie n'existe pas. <br /> Ne reste enfin que le voyage poétique . Un voyage si lointain qu'au défi de m'y perdre<br /> je réponds présent .Quand la nuit tirera ses rideaux , j' irai danser jusqu'au matin .
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J
En effet c'est un vrai plaisir de lire ce texte enchanteur
J
Magnifique, Manfred,
M
L'oreiller d'herbe ou le voyage poétique<br /> <br /> Un après midi du mois d'avril, en balade dans la campagne, je fus prise d'une soudaine torpeur. Chaque pas me demandait de soulever un poids incommensurable comme si mes chaussures avaient été lestées de plomb. Je regardai autour de moi afin de repérer un endroit pour m'asseoir. Je fis quelques dizaines de mètres, comme un calvaire et entrai dans un beau pré fleuri. Ayant toujours une couverture de survie savamment pliée dans mon petit sac à dos, je l'étalai sur l'herbe, me fis un petit oreiller d'herbe et me laissai tomber comme une masse. Aussitôt allongée, aussitôt endormie.<br /> Là, commença le plus beau voyage de ma vie: je volais de pré en pré, de fleur en fleur comme une abeille ouvrière en plein travail. Mon corps était léger, un simple battement d'ailes suffisait à me déplacer. Lorsqu'un oiseau m'approchait de trop près, je zigzaguais un peu et plongeais me protéger au milieu des herbes déjà hautes. En lisière de forêt j'aperçus une grosse bête brune à la fourrure bien épaisse, appuyée contre un vieux tronc d'arbre mort. C'est alors qu'un nuage noir vrombissant se format au dessus de ce qui me semblait bien être une oursonne. Oh! Je compris bien vite qu'il s'agissait d'un groupe d'abeilles sorties de leur ruche par la grosse patte gourmande. Ni une ni deux, je fondis à toute allure sur le nez de l'animal et et y tambourinai de toute ma vigueur. Elle se détourna du tronc et de sa grosse patte essayat de se débarrasser de moi. Jamais je n'avais été aussi véloce, ni aussi habile à esquiver les coups ni à en donner, tant et si bien que l'oursonne s'éloignat rapidement.<br /> Quand je me réveillai, je mis quelques minutes à regagner la terre et eus un peu de mal à comprendre ce que je faisais la tête posée sur un oreiller d'herbe au milieu d'un pré. Je m'assis et regardai autour de moi: point d'oursonne ni d'abeilles mais posé à côté de moi un joli pot rempli d'un épais liquide doré. <br /> <br /> Balade de printemps<br /> Les abeilles au fond du pré<br /> Travaillent ardemment<br /> <br /> Surprise d'avril<br /> Sortant d'un sommeil peuplé<br /> Gourmandise d'or
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J
Joli rêve, Maryvonne!